Bab el Louk, Kasr el Doubara et Kasr el Aali

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Commentaires topographiques

Le palais de Kasr-el-Aali

    Véritable petite ville formée d’une féerie de kiosques mystérieux, de palais, de jardins et de fontaines. Pétri de mystère et dominant le Nil, le palais de Kasr-el-Aali, démoli en 1905-1906, s’élevait à l’emplacement du quartier de Garden-City. Rien si ce n’est un modeste bâtiment, dans la rue Kasr-el-Einy, ne rappelait plus en 1950, le souvenir de ces murs, témoins de scènes importantes de l’histoire de l’Egypte du XIXe siècle. Des milliers de personnes travaillèrent au service d’Ibrahim pacha, de ses femmes et de ses enfants.

    Le palais de Kasr-el-Aali fut, ainsi que nous l’apprend Djabarti, créé par Ibrahim pacha à partir de 1819 sur de vastes terrains cultivés qui séparaient alors les berges du Nil des collines de décombres qui formaient à cette époque une barrière quasi circulaire tout autour de la capitale. De ses terrasses, l’on découvrait au lever et au coucher du soleil, le plus beau des panoramas. Le Haremlik, aux fenêtres étroitement grillagées, dont l’accès était prohibé par une armée d’eunuques, abritait des centaines de femmes.

    Ibrahim pacha choisit ce site pour son paysage nilotique. Le fleuve, à cet endroit, atteint une majestueuse largeur entre les extrémités  des îles de Rodah et de Zamalek.Le nouveau palais de Kasr-el-Aali était encadré au sud par le domaine de Kasr-el-Einy, au nord par la villa de Mohamed bey Lazoghli, également située au bord du Nil. En 1821, le Defterdar, époux de Nazli hanem, fille de Mohamed-Ali, fit édifier à côté le petit palais de Kasr-el-Doubara.

    Ces terrains en partie inondées pendant la crue du fleuve, étaient  en partie inondés pendant la crue du fleuve, étaient traversés par le Khalig-el-Nasseri. Ce canal, creusé par le sultan El-Nasser Mohamed Ebn-Qalaoun en 1324, venait terminer là sa longue course. Son embouchure se trouvait à l’emplacement du croisement des rues Kasr-el-Aali et Walda Bacha. Ibrahim pacha aimait avec passion le Bosphore, ses « Yalis turcs », ses kiosques construits au bord de l’eau. Kasr-el-Aali en sera une réminiscence.

    Ce sera un souvenir ou peut-être un regret.[1] Ibrahim pacha ne séjournait pas très longtemps au Caire étant toujours occupé à guerroyer et à réorganises les pays conquis. Cependant lorsqu’il se trouvait au Caire, Kasr-el-Aali était devenu son séjour de prédilection. Le palais était assis au bord de l’eau assez près pour qu’il puisse s’y admirer. Les rentrées et les saillies multipliées tout autant dans sa surface que dans son contour de manière que la lumière et l’ombre puissent à chaque instant s’y jouer du jour, des arbres de toutes espèces l’entourant, le mêlant à la verdure, à l’eau, il se fondait pour ainsi dire à l’air et au ciel avec l’étendue des perspectives qu’il dominait.

    Kasr-el-Aali était une œuvre d’art bien plus importante qu’on ne serait tenté de le croire. De ses fenêtres l’on jouissait de l’un des plus beaux panorama du monde : l’on découvrait d’abord des jardins magnifiques et plus loin c’est Le Caire qui apparaissait et dominant la ville, la citadelle assise sur un oppidum semblait veiller sur le site tout entier.

    Ibrahim pacha n’épargnait rien pour se composer un paysage. Il était aussi occupé à former des soldats, à conquérir des provinces qu’à former des cultivateurs qu’il poussait au défrichement du sol. Kasr-el-Aali, la plus orientale des demeures vices royales, avec ses incroyables dédales de kiosques, jardins, fontaines, ses allées en labyrinthe était sans conteste sa plus grande réussite. Les fleurs, le gazouillis des oiseaux, le bleu du ciel, l’or du désert pointant à l’horizon, le vert des centaines d’arbres,  des pelouses contribuaient à faire de ce lieu  un Eden des Mille et Une Nuits. Derrière le secret de ses murs interdits l’on racontait au Caire d’incroyables histoires. Ibrahim transforma également l’île de Rodah, qui faisait face à la partie sud de son palais en un jardin exotique où se voyaient les plantes les plus curieuses  et les plus riches des continents les plus éloignés.

    N’y- a-il pas là un de ses contrastes profonds et mystérieux qui se rencontrent dans le cœur d’un homme ? La simplicité naturelle des goûts d’Ibrahim, le besoin de reposer son âme des passions des champs de bataille dans les douces émotions de la nature.

La construction du Palais

    Ibrahim pacha fit déblayer et niveler ces immenses amas de décombres poudreux qui séparaient le Nil de la capitale. A leur place il créa les vastes plantations qui charmèrent pendant une cinquantaine d’années tous les voyageurs européens qui visitèrent Le Caire, et qui sont appelées sur toutes les cartes de cette époque « Plantations d’Ibrahim pacha ».En février 1821, Ibrahim pacha arrive au Caire et descend pour la première fois dans son palais de Kasr-el-Aali[2].

    «  Il descendit dans son nouveau palais ou plutôt ses nouveaux palais, car il en avait fait construire plusieurs et plusieurs jardins. Il en avait fait un pour son divan, un autre pour son harem, un troisième pour son neveu Abbas pacha et d’autres ». (Djabarti, op.cité). Dès lors Kasr-el-Aali sera immanquablement cité par tous les visiteurs ou hôtes de l’Egypte[3]. Ibrahim dès lors et jusqu’à sa mort y apportera sans cesse de nombreuses modifications laissant libre cours quant à l’aménagement du site à son amour de l’agriculture.

Architecture du Palais

          Cet édifice irrégulier n’est ni sans majesté, ni sans grâce. C’est un mélange d’architecture européenne et asiatique contraire à toutes les règles de l’époque. Le manque de proportions est en partie compensé par la pompe orientale. L’architecture de ce palais se ressent de la crise que traversait alors les arts : elle semble indécise, flottant entre l’orient et l’occident sans jamais se fixer de manière précise. Kasr-el-Aali devient avec les ans une belle résidence princière se composant selon le goût turc de l’époque d’une série de constructions, dont la principale est couronnée d’une vaste coupole. Les fenêtres donnant sur le fleuve sont à verre dans le style ottoman d’Egypte. Les bâtiments du temps d’Ibrahim sont tous recouverts de crépis blanc[4]. L’ensemble sera recouvert plus tard de crépis rouge, pouvant être aperçu de loin.

Le site environnant

     Comme tous les princes orientaux de son époque, Ibrahim avait le respect et l’amour de la nature. Le principal charme pour lui d’une maison de plaisance consistait autant dans la perfection de sa structure que dans la beauté du point de vue qu’elle dominait. Pour embellir les environs de Kasr-el-Aali, il fit niveler les énormes buttes de décombres qui l’entouraient et pour en faciliter l’accès, fit percer entre 1830 et 1840 nombres de routes par lesquelles on s’en approchait[5]


[1]  Le Magasin Pittoresque. 1840. 8e année. Publié sous la direction de M .Edouard  Charton. pp 65 et 66.

[2] Djabarti IX.  page 329

     Takouim el Nil.  II page 283

[3] Cadalvène et Breuvery  I pages 185-186 (hiver 1829-1830)

      A.B. Clot bey : Mémoires publiés par Jacques Tagher. Le Caire 1949. page 156 (année 1831)

[4] Edward William Lane edited by Stanley Lane-Poole « Cairo fifty years ago » London 1896 (écrit en 1847)

     Voyage du Luxor entrepris par ordre du roi pour transporter de Thèbes à Paris l’un des obélisques de

     Sésostris par M. de Verninac Saint-Maur, capitaine de Corvette, commandant de l’expédition.

     Paris 1835 (écrit en juillet 1831).

[5]  Wilkinson : Modern Egypt.  page 285